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Juin 2012
Chacun sa grotte....mur ou grotte ? en tout cas une histoire dont j'ai fait un poème.
(à paraître bientôt)
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La fin du paysage - Sylvie Durbec
Pour J. G. Coscullela
Ce verbe, affouiller.
"Ce qui abonde le plus sur la terre, c'est le paysage."
José Saramego
Certains l'écrivaient blanche
mémoire blanche de l'eau
d'autres l'écrivaient noire
mémoire noire des villages
que brodent encore les femmes
au rabat de leurs blouses.
Village noir plus bleu que le ciel
ici on commence par ne rien voir :
tant les noms sont difficiles à lire.
Plonger ses mains dans l'eau de lessive,
frotter le linge et le rincer,
étendre ensuite les chemises vides
et regarder ses ongles bien nets,
c'est travail de poète
avant l'encre noire.
Raconte-t-on l'histoire d'un lac
sa naissance, sa jeunesse ?
Lui qui sans nom
s'est rempli
en une semaine
sur l'ordre d'un demi-dieu
d'il y a cinquante ans.
L'eau venait du ciel et des sources.
Entre les montagnes. Là-haut.
A présent elle remplit les yeux.
La broussaille embrouille tout.
Rien ne sert d'affouiller la rive.
Paesagem coragem barragem,
tous sont noms féminins.
Vous gagnerez un paradis,
si vous répétez avec nous
albufeira lagrimas viagem.
Je lis les poètes Portugais.
ils osent employer la merde
Pour maçonner le poème.
Pas de fleurs mais de boue.
En tuant le paysage ancien
le dictateur nous a bouleversé
l'ordre du ciel et de la terre
Matadouro de paisagem.
Et la beauté partie revient.
Paysage barrage voyage.
Tous sont noms masculins.
Les exilés ont deux patries.
C'est le moment de reprendre langue,
de se souvenir qu'elle seule est pays.
(Et j'ajouterai le dessin du lac pour clore
le bec au merle sur sa branche,
au dictateur dans sa fosse,
au curé assis sur sa ruine,
si assoiffés qu'ils ont noyés les blés et les vignes,
moi qui ne sais chanter ni la joie ni la peine,
mais seulement ce que je ne vois pas.
Sylvie Durbec à Negrões
Août - septembre 2015
Photos Serge Prioul
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